Gaston dans l’espace

Quelques mois après avoir écrit ce chapitre, l’épouse de Philippe m’a transmis sa version, qu’il avait rédigée à l’hôpital, très peu de temps avant son décès.

Philippe Milcent

L’aventure des Calanques à la fin des années 80, à Noël

Calanques : je me souviens de tes fragances, de ton atmosphère, de ta luminosité exceptionnelle de décembre, avec le mistral par moment chassant les poussières atmosphériques. Lentisques, genévriers, lavande, pins d’Alep… Grande Candelle, Devenson, Calanque d’En Vau, Sormiou, Morgiou…
Et le soleil brillant, éblouissant, se refletant sur les vaguelettes, l’île mystérieuse à quelques encablures que nous avions exploré en kayak de mer. Quelques barques de pêcheurs qui cabotent au large et des plongeurs professionnels en combinaison néoprène partant à la pêche aux poissons de roche au petit matin afin de préparer la bouillabaise des restaurants du port.


Cette fois-là, avec François Descreux du CAF de Nantes, nous avions proposé une sortie perfectionnement dans les Calanques de Marseille ; j’étais intiateur d’escalade et j’effectuais mon service civil. Nous logions à l’auberge de jeunesse de Marseille Vert à côté de Marseille.
Après quelques journées de mise en jambes dans le secteur de Goudes avec des voies de trois longueurs et une centaine de mètres de hauteur, j’eus l’idée de proposer une traversée au dessus de l’eau avec une petite équipe de 4, 5 personnes. Cette magnifique traversée au dessus des flots
apparaissait alors comme une aventure merveilleuse où l’on pourrait allier une progression horizontale à l’aide de coinceurs, de mousquetons et de cordes de rappel sur un magnifique calcaire blanc et profiter de la Méditérranée à nos pieds…


Après un début de progression prometteur sur des vires inclinées pas trop difficiles, il s’avéra plus tard que la tâche fut plus ardue que prévu quand nous nous attaquâmes à certaines difficultés.
Nous nous apperçûmes rapidement qu’il était difficile pour le second de récupérer le matériel de progression. L’aventure prit une tournure dramatique lorsque Tristan tomba à l’eau après avoir progressé sur les ¾ de la traversée. Il fut retenu heureusement par un bon coinceur mais incapable de remonter par lui même à cause du surplomb creusé par le ressac de la mer et par des picots de calcaire assérés. Nous tentâmes un mouflage pour le tirer hors de l’eau sans grand succès. Au bout de 15 minutes à barboter dans une eau à 12 °C, Tristan suggéra de se détacher pour tenter de reprendre pied à la nage. Je refusais de peur qu’il se noie et je réussis à le sortir de là en le tirant de toutes mes forces en m’approchant au plus prêt de lui tandis qu’un autre grimpeur s’occupait de
gagner du mou grâce au mouflage.Tristan, bien que tiré d’affaire, mit beaucoup de temps à se réchauffer et nous décidames de faire demi-tour en passant plus haut sur des vires plus faciles et de faire des séries de rappel. Le crépuscule finit par tomber et nous dûmes finir l ‘aventure à la
frontale sains et saufs.


Quelques minutes intenses où le temps s’arrête presque, où il nous a fallu agir vite et bien.
La confiance de s’en sortir sains et saufs, par nos propres moyens, assumer mes choix, mes erreurs parfois, et la fierté de trouver des solutions adaptées… un petit moment de stress quand la nuit se mit à tomber et nous ne voyions presque plus les prises. Quelques signaux lumineux aux barques
des pêcheurs : SOS, sans succès… La voûte étoilée de plus en plus brillante et la solution de dernier recours d’installer une tyrolienne pour faire passer l’unique frontale jusqu’au dernier participant…


Souvenir inoubliable…

Recueil établi par Yolaine Milcent

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